Une royauté paradoxale
Dieu est fréquemment présenté comme un roi dans l’Écriture. Affrontés à des
nations gouvernées par des rois très puissants, les Juifs se sont donné un roi
et ils ont foi en une Puissance encore plus haute, un Roi au-dessus de tous
les rois. C’est lui que voit le prophète Daniel et qu’il présente dans son style
apocalyptique (première lecture).
Dans l’Évangile, le thème rebondit avec de multiples mentions du Royaume,
ou du Règne, de Dieu, ou des Cieux. Jésus est présenté comme le Christ,
l’oint, celui qui a reçu l’onction royale, le «fils de David», dont certains
attendent qu’il restaure la royauté d’Israël. Son pouvoir s’exerce sur tout et sur
tous, il est l’alpha et l’oméga, il est aussi le symbole et l’agent de l’unité du
peuple. C’est ainsi qu’on le représente en majesté dans les absides des
églises antiques et romanes.
Mais il ne faut pas s’y tromper. Si le Christ est roi au-dessus de tous les
«rois», sa royauté n’est pas de même nature que les autres. Comme il le dit
clairement à Pilate, son Royaume n’est pas de ce monde: «En fait, ma royauté
n’est pas d’ici» (évangile). Tout dans la vie et la prédication de Jésus atteste
que la puissance de Dieu s’exerce non par la puissance mais par la faiblesse.
Dès le départ, Jésus fait subir à la Royauté attribuée au «Fils de Dieu» un
retournement total: être Maître et Seigneur consiste à se faire serviteur.
Comment pouvons-nous conserver l’image d’un Dieu qui télécommande tout
ce qui se passe dans notre monde, qui fait la pluie et le beau temps? Il nous
faut dépasser cette image qui nous vient du fond des âges. Jésus, le maître et
Seigneur, meurt de la mort des esclaves pour enlever le péché du monde,
notre péché, celui de notre prétention et de nos volontés de domination.
La Royauté du Christ ne ressemble pas aux pouvoirs de ce monde; la paix
qu’il donne n’est pas celle que le monde peut donner. Jésus ne s’impose pas
par la force (les gardes du corps sont absents et les légions d’anges
n’interviennent pas), sa puissance est attraction de la vérité: sa seule force est
la faiblesse de l’Amour désarmé.
C’est par elle que nous pouvons nous saluer en ce dernier dimanche de
l’année liturgique: «À vous la grâce et la paix de la part de Jésus Christ, le
témoin fidèle, le premier-né des morts, le prince des rois de la terre»
(deuxième lecture).
© Missel des Dimanches