La vie de Jésus apparaît sous un jour tragique: il est le serviteur broyé par la
souffrance (première lecture); il est le grand prêtre éprouvé en toutes choses
(deuxième lecture); il est le Fils de l’homme qui donne sa vie en rançon pour la
multitude (évangile). Il est dur d’être placé en face de la souffrance et de la
mort.
Mais c’est bien à ce moment-là que l’homme s’interroge le plus profondément.
Nous le savons, le problème de la souffrance, du mal, de la mort laisse sans
voix, sans réponse. Dieu lui-même bute sur la limite de la mort et il n’ouvre
une porte sur ce mystère que par sa propre souffrance et son propre silence
sur la croix.
Mais les lectures du jour débouchent sur un paradoxe. Pour le serviteur, la
remise de sa vie en sacrifice de réparation lui donne une descendance. Le
grand prêtre qui a compati à nos faiblesses voit s’avancer avec assurance
dans la foi les croyants.
En définitive, les épreuves de la vie et les tenailles du mal nous enferment et
nous isolent. Le malade le sait bien lorsqu’il se retrouve parfois sans
personne, et la souffrance est alors double: celle du mal et celle de la solitude.
Nous buvons nous aussi la coupe et sommes plongés dans le Baptême du
Christ. Mais ce que nous savons, c’est que nous sommes avec Jésus comme
lui est avec nous, jusqu’au bout, compatissant à nos faiblesses. Mystérieuse
fécondité! Jacques et Jean voulaient siéger auprès de Jésus dans sa gloire et
Jésus les invite, nous invite, à avancer vers le trône de sa grâce.
Toutes ces lectures ouvrent une espérance, le psaume la chante: «Dieu veille
sur ceux qui le craignent, qui mettent leur espoir en son amour, pour les
délivrer de la mort.» Verrons-nous alors en quoi la souffrance et l’épreuve qui
auront été vécues, la mort même, ont paradoxalement une fécondité? En quoi
l’esclave de tous a secrètement la première place! Cela ne peut se
comprendre que dans le lien profond à Jésus et à tous les autres car «nous
attendons notre vie du Seiqneur».