Homélie de Mgr Warin, évêque de Namur, pour la fête de la Dédicace

En cette solennité de la Dédicace de notre Eglise Cathédrale, je voudrais vous proposer sept mots d’ordre pour la route de l’Eglise aujourd’hui.

Premier mot d’ordre : accueillir le temps présent ; accueillir aussi le « kairos », c’est-à-dire le moment favorable.

Accueillir le temps présent. Dans l’aujourd’hui, l’Eglise est parfois égratignée, un peu persécutée même. Parfois non sans raison, car il faut le reconnaître : elle a des faiblesses et même des péchés. Néanmoins les chrétiens et les chrétiennes doivent se garder de tout repli et habiter la maison des hommes, la société actuelle. A l’ instar du Seigneur Jésus qui a planté sa tente parmi nous.

Accueillir aussi le « kairos ». Le contexte actuel constitue une chance de premier ordre. Il peut contribuer à nous recentrer sur un essentiel, à savoir une Eglise plus humble, plus pauvre, à l’image du Christ « doux et humble de cœur » (cf. Mt 11,29) et le plus grand pauvre de tous les temps : tout est pauvreté dans la vie de Jésus, de A à Z, de la mangeoire de Bethléem à la croix du Calvaire.

Deuxième mot d’ordre : ne pas être désemparé.

Ne soyons pas désemparés pour une Eglise « petit troupeau » à qui en Lc 12,32, le Seigneur dit : « Sois sans crainte. » Du reste, quand on considère la pauvreté comme une catastrophe, que devient la première Béatitude : « Heureux les pauvres » ?

Ne soyons pas désemparés parce que notre société n’est plus guère chrétienne. Être chrétien dans une société qui ne l’est plus guère est une situation relativement traditionnelle dans l’histoire de l’Eglise.

Notre Eglise a été, la dernière décennie, maintes fois dans la tourmente à cause de certains de ses acteurs pastoraux. Et nous en sommes affectés. Ne soyons pas désemparés par une Eglise qui ploie et qui souffre. L’agonie et la Passion de Jésus ne peuvent pas ne pas marquer la vie de l’Eglise si l’Eglise est réellement le corps du Christ. Ayons la foi qu’à travers l’événement pascal, la Résurrection, l’Eglise est toujours en acte de naissance.

Troisième mot d’ordre : vivre tourné vers le monde et non vers soi-même.

Qu’est-ce qui fait surtout l’objet des préoccupations de nos conseils et équipes de paroisse, secteur ou unité pastorale ? Ne sommes-nous pas dans l’Eglise trop souvent préoccupés par des questions de cuisine interne et trop peu par cet impératif : comment faire signe au monde ? Selon l’heureuse formule du Concile Vatican II, l’Eglise est sacrement du salut pour le monde. Elle n’existe pas pour elle-même. Du reste, on gagne en santé lorsqu’on s’oublie soi-même pour penser à l’ autre. La prière attribuée à saint François d’ Assise dit : « c’est en se donnant que l’on reçoit ; c’est en s’oubliant qu’on se trouve soi-même. »

Quatrième mot d’ordre : vivre pleinement sa foi.

Comment l’Eglise pourrait-elle être évangélisatrice si elle ne commence pas par s’évangéliser elle-même ? Dans un monde où la foi ne va plus de soi, pour être contagieux il s’agit de vivre sa foi de manière effective, de s’approprier pleinement le message que nous avons reçu. Il faut que l’ amour du Christ devienne une passion qui soulève tout l’être ! Le monde a, du reste, davantage besoin de témoins que de docteurs de la foi.

Cinquième mot d’ ordre : oser en toute liberté la différence.

En Genèse 4,10, Dieu dit à Cain : «  Qu’as-tu fait de ton frère ? » Dans un monde où tant d’hommes et de femmes sont piétinés, dans un monde à maints égards franchement injuste, l’Eglise doit en toute liberté oser la différence. « Je vous envoie, a dit Jésus, comme des agneaux au milieu des loups » (cf. Lc 10,3).

Dans une société qui part en croisade non seulement contre les signes religieux mais encore contre l’idée même de Dieu, oser dire : « Gens de la modernité, vous vous trompez sur Dieu ! Il ne fait pas seulement partie du passé de notre culture ; il demeure un horizon et un chemin ! »

Sixième mot d’ ordre pour la route de nos communautés chrétiennes.

Autant j’entends que le prêtre, comme signe sacramentel du Christ-Pasteur, soit celui qui préside à la vie et au rassemblement des communautés chrétiennes, ainsi que leur responsable ultime, autant je trouverais injuste de tout voir et de tout concevoir à partir de lui. Si les prêtres sont les responsables du tout, ils ne sont pas responsables de tout. Prêtres, ils doivent l’être oui, mais avec d’ autres.

Je salue l’avènement des laïcs qui se sentent plus solidaires, plus partie prenante de la vie ecclésiale. Chacun comprend même qu’il a un rôle à jouer pour le bien du corps entier et pour porter l’Evangile à d’ autres. Je salue l’ avènement des assistants paroissiaux, des assistantes paroissiales qui collaborent au ministère même des prêtres et qui sont en responsabilité pastorale. Je salue l’avènement, depuis plus de 50 ans, des diacres permanents. Nous allons, toujours plus résolument, vers une Eglise où le prêtre ne fait plus tout ou à peu près tout. N’est-ce pas plus juste ainsi ? N’est-ce pas un gain ?

Septième mot d’ordre : le 15 juin dernier, j’ ai eu 75 ans, l’âge auquel on accède à la retraite dans l’Eglise. Le processus de succession est déjà bien entamé. Le Nonce apostolique a manifestement payé de sa personne et mis en œuvre la synodalité en venant rencontrer, dans le diocèse, ministres ordonnés et laïcs.

Puis-je vous demander d’ accueillir pleinement celui que le Saint-Père désignera ? Je vous invite aussi à déjà prier pour lui. Une prière pour notre futur évêque est à votre disposition. Je vous en remercie.

+ Pierre WARIN

Dédicace de la Cathédrale

Saint-Aubain, le 20 septembre 2023