Les Fabriques d’église

Il suffit d’interroger l’un ou l’autre citoyen pris au hasard – de l’entité de Sombreffe ou d’ailleurs – sur ce que signifient les mots « fabrique d’église » pour constater que les réponses sont souvent évasives voire davantage. On devine bien qu’il s’agit d’un concept qui tourne autour de la paroisse mais sans réelle certitude … En fait, qu’est-ce donc que « la fabrique » ?

Quelques réponses avec Jean-François Hupé et Michel Lefèbvre.

Un peu d’histoire

Il faut remonter à la fin de l’Empire romain (496) pour identifier le sens du mot fabrica. C’était l’ensemble des biens et des moyens réservés à la construction de la cathédrale ou de l’église. D’où l’équipe même des gestionnaires de ces biens, à la tête de laquelle se situait l’évêque qui disposait du pouvoir d’ordonner les constructions religieuses et de les doter des fonds nécessaires à leur entretien. A travers les siècles, ce système essentiellement épiscopal fut maintenu jusqu’au développement du réseau paroissial qui dut assumer lui-même les constructions des églises et des chapelles. Survint dès lors une nécessaire décentralisation de la gestion. Qu’il s’agisse d’actions matérielles (achats, travaux), financières (gestion des recettes constituées des quêtes, aumônes ou dîmes) ou immobilières, l’autonomie des paroisses devint une réalité.

L’accès des laïcs à la gestion des fabriques d’église correspondit peu ou prou à l’émancipation des villes et des communes. Dès le XIIe siècle, on observait des nominations de mambours  (ou délégués-gestionnaires civils des villes ou communes) au sein des fabriques. Le Concile de Trente (1535) consacra le caractère ecclésiastique des fabriques d’église afin de parer à toute dérive d’accaparement des biens d’église par le pouvoir civil.

La Révolution française sonna la fin de l’Ancien Régime dont l’Eglise catholique romaine fut un de ses piliers. Non seulement la royauté fut anéantie mais l’Eglise catholique – tant au séculier qu’au régulier – perdit tous ses biens et privilèges, saisis contre une indemnité dérisoire ou vendus à l’encan. L’exercice du culte ne fut plus toléré qu’aux prêtres prestataires du serment de haine. Face au malaise profond du peuple de France et des régions annexées et soucieux d’en revenir à la paix civile, le premier consul Napoléon Bonaparte reprit contact avec le pape et ensemble ils approuvèrent, en 1801, le Concordat qui rétablit l’exercice du culte et fixa le cadre des fabriques d’église dont les modalités furent coulées dans le décret du 30 décembre de 1809. A quelques modalités nouvelles près, c’est toujours ce modèle qui les gouverne.

Parmi les contreparties consenties par le Concordat suite aux spoliations figurent la rémunération des ministres des cultes reconnus par l’Etat fédéral, leur logement et le financement par la commune de l’insuffisance de revenus de la paroisse dans le cadre de l’exercice de ses missions.

Statut des fabriques d’église

Sans entrer dans les détails d’ordre juridique, les fabriques d’église sont des établissements publics. Elles sont régies par la loi et les décrets régionaux. Leurs décisions obligatoirement motivées sont soumises au pouvoir de tutelle de l’évêque, de la Région wallonne et de la commune. Chacun de ces niveaux de pouvoir vérifiant, en ce qui le concerne, la légalité des actes déclarés et formés  par les fabriques. Elles se conforment aux règlements de la comptabilité publique, des marchés publics, des obligations de droit commun et administratif.

Missions des fabriques d’église

La fonction première des fabriques d’église est d’assurer le parfait fonctionnement du temporel du culte. C’est-à-dire : procurer au curé de la paroisse ou au prêtre chargé de desservir la paroisse tout ce qui lui est nécessaire, par exemple les hosties, l’eau, le vin, les ornements et les linges liturgiques, les livres et documents ; assurer l’entretien, le nettoyage et les réparations des biens matériels à disposition du prêtre et des fidèles ; garantir la sécurité des installations et des biens ; entretenir le chauffage, les cloches et l’orgue ; étudier tout type de restauration de biens précieux.

Outre la préoccupation du quotidien du culte : entre autres, gérer les finances et les biens immobiliers, engager du personnel d’église, éventuellement ester en justice, gérer les archives et les inventaires.

Composition des fabriques d’église

Le Conseil de fabrique en est l’organe délibératif. Ses attributions portent sur l’élection et la nomination des membres du conseil et du bureau, l’élection des membres du bureau des marguilliers, l’approbation du budget et des comptes annuels, la délibération sur tout sujet visé par la loi ou le décret.

Le Conseil de fabrique d’une paroisse de moins de 5000 habitants compte cinq conseillers choisis par cooptation parmi la population catholique sans distinction de nationalité. S’y ajoutent deux membres de droit : le curé de la paroisse et le bourgmestre (ou un/e remplaçant/e membre catholique du conseil communal). La durée du mandat de conseiller est de six années, renouvelable pour moitié tous les trois ans.

Le mandat de président et de secrétaire est renouvelable chaque année.

Le Bureau des marguilliers est l’organe exécutif du Conseil de fabrique composé du curé ou du desservant en qualité de membre de droit, de trois membres élus pour un terme de trois ans. Le Bureau se dote d’un président, d’un(e) secrétaire et d’un trésorier. Ce dernier est le comptable de la fabrique et mandataire du Bureau des marguilliers en matière d’administration du temporel du culte.

Finances, budgets et comptes

Pour rappel, toute fabrique d’église a la charge de son patrimoine c’est-à-dire de l’ensemble de ses biens, droits et charges. Elle gère des biens immobiliers et immobiliers, du numéraire et des fonds en dépôt. Elle peut percevoir des dons et des legs. Elle engage, rémunère et, le cas échéant, révoque le personnel d’église. Elle peut acheter des biens immobiliers, les louer, les échanger ou les vendre.

La charge de cette gestion globale s’apprécie à la lumière du budget qui distingue les dépenses poste par poste à confronter avec les prévisions de recettes. Sachant que les recettes ne suffisent jamais à assumer l’intégralité des dépenses, la commune de Sombreffe est tenue par la loi de compenser la part déficitaire.

Le budget

Les recettes. –  Les moyens de satisfaire les besoins de l’église sont assurés par des recettes constituées du revenu des loyer des terrains agricoles, des intérêts sur les sommes d’argent déposées en banque, le produit net des collectes. Ceci ne suffit évidemment pas à assurer le financement des dépenses qui, rappelons-le, sont destinées au temporel du culte.

Les dépenses. – Le type de dépenses a été évoqué ci-avant. On a observé qu’assurer le temporel du culte couvrait une multitude de charges, les unes modiques, d’autres au contraire lourdes ou sujettes à variation comme le coût du chauffage ou à difficulté de prévision à l’image d’une réparation coûteuse et subite. Généralement, l’expérience du trésorier et des conseillers réduit les risques d’erreurs de telle sorte que la trajectoire budgétaire annuelle est la plupart du temps bien observée.

Le compte annuel

Le compte annuel déclare les montants exacts des dépenses et des recettes enregistrées au cours de l’exercice précédent. Il est basé sur les pièces justificatives détenues par le trésorier. Il donne lieu soit à un déficit soit à un boni.

Budgets et comptes sont adoptés en Conseil de fabrique, transmis à l’évêché, à la commune et à l’autorité de tutelle régionale. Adoptés aux trois niveaux de tutelle, ils confirment le résultat financier de l’exercice.

Ceci n’étant qu’une approche sommaire des attributions des fabriques d’église, tant les paroissiens que le public vont s’étonner du volume des tâches complexes qui leur sont imposées. Ils s’en étonneront davantage encore en apprenant que tout membre de la fabrique, à quelque niveau qu’il occupe, effectue les tâches qui lui sont attribuées à titre absolument bénévole.

M.L.